fenêtres et transparence

montrer l'invisible

Norbert : “Tu regardes à travers cette petite fenêtre bleue et tu vois le sol là-bas en bas et toutes tes tripes
te disent 'pas question', alors quelques fois— ”


The Mirror by Fairfield Porter, 1966
Oil on canvas - 72 x 60"
The Nelson-Atkins Museum of Art,
Kansas City

 

Les parti pris de mise en scène épousent au plus près la thématique du texte : une lutte contre l’opacité vers la transparence, vers l’ouverture. Sur scène, plusieurs appartements se superposent, et si les murs existent dans un premier temps pour les personnages, ils sont d’ores et déjà invisibles pour le spectateur, convié à une première transgression.

Mais c’est à l’intérieur même des âmes des protagonistes qu’il est ensuite convié. Le travail avec les acteurs, poursuivant l’objectif d’une sincérité optimale que seul le réalisme psychologique permet d’obtenir, s’est développé dans trois grandes directions : le contact et l’observation du partenaire, le travail à partir de soi et l’adaptation constante à un présent en constante mutation. Logiquement l’improvisation s’est retrouvée au centre de nos préoccupations. Car le texte lui-même, bien qu’écrit avec la précision d’une partition musicale, sonne comme une conversation bien réelle, comme une longue impro qui ne peut, quel que soit le chemin qu’elle emprunte, se terminer que d’une seule et même manière : par la vérité. Leur vérité. Celle des personnages.

Et comme la musique tient un rôle prépondérant dans cette partition de voix, à l’instar du jazz pointu et exigeant qu’écoute Tom le musicien et qui se développe en live tout au long de la pièce, les acteurs bénéficieront eux aussi d’une plage de liberté dans la partition textuelle, un espace de confiance et d’expérimentation, durant lequel ils pourront se livrer, se tester, et tisser chaque soir une improvisation évolutive qui se mêlera organiquement au déroulement de la pièce.

Au-delà de ce premier challenge, dans le cas d’une programmation à plus long terme, et lorsque le spectacle sera rôdé, l’objectif est d’aller plus loin encore dans l’adéquation entre les choix artistiques et la thématique proposée par le texte. “Sommes-nous tous pareils ou tous différents ?” : telle est la question qui divise le couple de femmes, Alice et Boo. Afin de souligner que ce qui importe avant tout, c’est la vérité intime de chacun, et pas son apparence, ni le rôle qu’il s’est inventé en société, ni son métier, ni son orientation sexuelle, ni même son genre biologique, masculin ou féminin (comme l’ont écrit Judith Butler ou Monique Wittig, la notion de genre est tout aussi culturelle et même politique que biologique), nous souhaitons proposer une distribution des rôles différente chaque soir, afin de permettre aux 7 acteurs de la troupe de jouer également d‘autres personnages, d’explorer d’autres vérités, et de transcender ainsi la limite communément admise d’attributions des rôles en fonction des identités sexuelles.

Car si l’on veut aller à l’essentiel, et à la vérité, c’est la totalité des conventions qu’il faut questionner, bouleverser, et dont il faut, dans une quête de pureté et de simplicité, s’affranchir.